WOLFIE FOR EVER !

La couverture d'un livre sur Mozart, c'est déjà du Mozart !

Parfois, un livre peut naître d’un rien…

Une phrase entendue, un souvenir qui se rappelle à ta mémoire, une anecdote, un fait divers, un livre ou un film… la petite graine peut venir de partout, tout le temps, sans prévenir.

D’un coup de fil par exemple.

— Allo, Tristan, chez Poulpe Fictions ils ont une super série qui s’appelle 100% bio et qui raconte la vie d’un personnage célèbre sur un ton décalé. Ça te dit ?

— Euh… J’ai pas encore bu mon café.

— Je me disais : t’aimes bien la musique, non ? Ils n’ont pas encore de musicien dans leur collection.

— Euh… Je peux te rappeler dans une demi-heure ?

— Allez, dis-moi le nom d’un musicien dont tu voudrais raconter la vie. Si tu commences ta phrase une troisième fois par « Euh… », je raccroche et je ne t’adresse plus jamais la parole.

On ne refuse pas un job. Jamais. Surtout dans une maison d’édition comme Poulpe Fictions. Alors, j’ai mobilisé mes trois neurones qui peuvent survivre sans caféine et j’ai sorti :

Mozart.

Voilà, c’était il y a plus d’un an. Depuis, j’ai réécouté complètement ou partiellement un bon tiers des 626 œuvres de Wolfgang, lu une dizaine de bouquins sur le maestro, pleuré en entendant le duo de Papagena et Papageno « en vrai » à l’opéra Bastille et pondu 240 pages où je décris la passion d’une fille de 13 ans (et de son chat) pour Amadeus.

Pourquoi Mozart ?

Pour beaucoup de raisons, certaines évidentes, d’autres plus intimes.

1 ) Il fait partie du trio de tête (avec B. et l’autre B.)

2) Sa vie est incroyable

3) avec lui on peut aborder plein de questions liées à la musique classique et les expliquer simplement

4) j’aime sa personnalité artistique

5) j’aime sa musique

6) j’aime ce qu’il dit de nous, êtres humains.

Avec lui, ce n’est pas simplement beau, virtuose ou entraînant, j’atteins des couches plus profondes de compréhension. Les autres compositeurs ne me font pas ça, aucun. J’espère transmettre un peu de ce sentiment dans le livre. Bien qu’il s’agisse d’une commande, bien qu’il s’agisse d’une biographie (genre hyperbalisé), il y a entre les lignes de ce Mozart vu par une ado (et vu par son chat) quelque chose de très personnel. Une émotion que j’espère palpable pour le lecteur… Au pire, il y aura toujours des trucs pour vous faire marrer.

Super travail de Julie Staboszevski qui a illustré l'ouvrage avec brio !
Une facette inattendue du maestro...

Mozha ha ha !

Car l’idée était de raconter la vie du maestro de manière rigolote, vue par les yeux d’une ado de treize ans. Ce qui au début pouvait paraître une contrainte, c’est (comme toujours) révélé tout à fait libérateur. D’un coup, il était possible de comparer Léopold à Dark Vador (je suis ton père), et de dépeindre Da Ponte comme un aventurier à la Indiana Jones (quelqu’un qui possède à la fois la tête et les jambes).

Surtout, la petite Esther avait son mot à dire en ce qui concerne la personnalité de Mozart, ses œuvres, son époque (et la nôtre). Par sa bouche, j’ai pu dire : « cette symphonie est ma préférée » sans avoir à me justifier, j’ai pu avouer mes larmes à l’écoute de l’air de Pamina et j’ai pu me moquer des grands comme aimait le faire Mozart. Bref, comme dit l’autre, Esther c’est moi et c’est bien pratique.

MOZART VU PAR UNE ADO (ET PAR SON CHAT)

Éditions Poulpe Fictions, dès 11 ans, 240 pages, 11€95

TIME ZOOOOONE, une looooongue histoire

Elle ne peut plus décrocher !

Où je quitte le port…

Navigation houleuse, souvent. Mais jamais autant qu’avec ce roman ! Première traversée à destination des adolescents, c’est par Time Zone que je quittai les rivages de la série Magicus Codex après deux ans à pêcher dans les trous d’eau, coup d’épuisette après coup d’épuisette, les rocambolesques aventures de la petite Fantig.

L’étape était importante : mes trois premiers bouquins venaient de paraître et je quittais la terre ferme avec le projet fou de vivre de ma plume ! Sacrebleu, ce garçon est inconscient ! Fini le cabotage, je prenais la haute mer, vent pleine face ! Mon bagage d’écrivain était maigre, tout juste si je savais filer les métaphores marines. Il se pouvait qu’au final, mon bâtiment prenne l’eau.

Mon premier ordinateur portable sous le bras, je découvrais la joie d’écrire dans le train, les bistrots et les parcs publics sans avoir à retaper mon manuscrit une fois de retour à la maison. Je sentais mon sujet et m’amusais comme un fou. J’étais persuadé de tenir quelque chose ! Avec une intrigue pareille, ça ne pouvait que cartonner !

Mon premier ordinateur portable
Elle ne peut plus décrocher !
Didi dévorant Time Zone en avant-première

Où je coule par le fond…

Devenir écrivain, c’est noircir du papier ! Devenir écrivain, c’est trousser des rebondissements ! Devenir écrivain, c’est apprendre les figures de style (ici l’anaphore) ! Mais c’est aussi faire chou blanc à publier sa prose. Le texte de Time Zone s’est perdu dans une cinquantaine de maisons d’édition, il s’est égaré sur des bureaux surchargés, il s’est vu parcouru, feuilleté et même parfois lu dans son intégralité, pour ne susciter le plus souvent qu’une réaction désintéressée. Quelques éditeurs m’ont pourtant gratifié de retours autres que la sempiternelle lettre de refus type, des « oui, mais… », des « pas mal, persévérez… », des « bonnes idées, mais trop de métaphores marines… » On y gagne en humilité.

 

Où j’enchaine les abdos et les pompes…

Il fallait rebondir, se remettre en forme, travailler son foncier ! J’avais de nouveau l’idée du siècle pour un roman ado ! Finalement, ce truc avec des gens nés un 29 février qui commettent des meurtres ou qui empêchent que l’on commette des meurtres, c’était nul ! Ce qu’il fallait faire, c’était un truc de capes et d’épées avec comme toile de fond la grammaire française et la réforme de l’orthographe ! Décidément, ce garçon est un inconscient !

Le manuscrit de Time Zone a donc rejoint le dernier tiroir de mon bureau, en bas sur la droite, celui où j’abandonne des textes pour ne plus jamais les ressortir.

Fin de l’histoire.

 

Sauf que ! Sauf que l’idée avait tout de même plu à quelques-uns, et ces quelques-uns m’ont donné des conseils pour affermir le ventre mou qui ondulait flasquement de la page 80 à 120, pour muscler la fin, pour galber le style (fini les métaphores marines systématiques, je me lançais dans la métaphore athlétique et sportive : ventre mou, muscler, galber et tutti quanti…). C’est ainsi que le manuscrit s‘est évadé à plusieurs reprises du tiroir de la honte pour subir des corrections multiples et variées : un papa caché en plus, une histoire d’élection oiseuse en moins, une grosse explosion pour l’action, une histoire d’amour pour l’émotion.

Voilà pourquoi, imaginé et rédigé en 2011, revu une première fois en 2013, une deuxième en 2016 et une troisième en 2017 (la version à paraître est notée V7 dans mon dossier informatique) et après s’être appelé successivement : « 7h41, le temps s’arrête », « L’exil des Bartholons » et « Nés un 29 février », TIME ZONE ne voit le jour qu’aujourd’hui !

 

Où l’on remercie à tour de bras…

Dans l’ordre chronologique, voici celles et ceux qui m’ont aidé à parfaire cette histoire où il est question de temps figé, de service de tennis, d’hennin et d’hypocras :

– Maina, Alwena, Louis, Diane, Aline, Bleuenn, Nadia et Léna !

Et merci aux quatre Fantastiques de Locus Solus : Sandrine, Hélène, Julia et Florent qui, une nouvelle fois, ont fait un travail incroyable pour améliorer le texte ! J’ai particulièrement apprécié quand il a été question d’ajouter deux péripéties importantes au dernier moment ! Quarante pages à réécrire en trois jours ! Oui, je peux le faire, mais que ça ne devienne pas une habitude ! J’ai bien kiffé aussi la relecture intégrale du manuscrit au téléphone la veille du départ chez l’imprimeur, (mon oreille en est encore rouge). Il n’empêche que sans eux et sans ce labeur acharné et fébrile, je ne serais pas aussi fier de vous présenter aujourd’hui ce satané bouquin qui encombre mon esprit depuis maintenant six ans !

Bon débarras, pour moi… et bonne lecture, pour vous !

 

 

un livre à dévorer...
220 pages, 9€90

Contes et Légendes de Paris

Un patrimoine de l’imaginaire à part

La grande ville, ça ne marche pas pareil en ce qui concerne les contes et les légendes, peu des premiers et beaucoup des secondes. Surtout, ici, l’Histoire s’insinue partout dans nos histoires, le grand H est toujours visible derrière les petits. Quasiment chaque récit se rapporte à un règne, ici Charlemagne, là-bas Napoléon III, et à un lieu, en haut la Tour Eiffel, en bas les Catacombes.

Et cela change tout !

Après avoir sillonné la côte pour pêcher des fables et couru les champs pour cueillir des fantaisies, ici il faut arpenter les venelles et les rues. La mémoire des grandes villes, avec ses populations changeantes, ses guerres et ses révolutions, ne fonctionne pas comme celle de la campagne.

 

L'escroc de la Tour Eiffel !

Des origines aux mythes urbains

À la question des légendes parisiennes, on ne peut s’éviter celles dites urbaines (et deux alexandrins de cuisine en prime). Et c’était un des attraits du projet : parler de la modernité et des délires d’imagination qu’elle suscite : les métros fantômes, les rave-party dans les catacombes, les ombres de la guillotine perdues dans la brume… Des « il était une fois » qui n’ont pas la même tête que les autres.

Une collaboration au long cours

Avec Locus-Solus et l’ami Loïc, c’est une quête sans fin de nouveaux contes qui nous anime. Notre credo : faire découvrir et moderniser sans altérer. Après la Bretagne, la mer, le roi Arthur et Paris, qui sait quelle nouvelle destination sera la nôtre ? La mythologie grecque, des aventures de pirates, des légendes horrifiques ? Aucune décision prise à ce sujet pour le moment, mais ne craignez rien : nous reviendrons avec dans notre besace de nouveaux récits !

Contes et Légendes de Paris

Illustraté par Loïc Tréhin / édité par Locus-Solus

160 pages / 5€90

De l’idée au livre

Il faut bien le reconnaître, un des aspects les plus fascinants quand on écrit des livres est d’assister à cette interminable, chaotique, et parfois douloureuse, mutation d’une idée volatile en une masse de papier et de carton d’environ 200 grammes pour un poche, 600 pour un album grand format.

Réservoir à livres, aussi appelé "Bibliothèque".

Du lézard à la chimère

Au début, c’est un lézard squelettique et immobile qui prend le soleil aux abords d’une anfractuosité de ton cerveau. Un mouvement trop brusque et l’animal disparaît dans les obscurités de ton cortex préfrontal pour ne jamais en ressortir. À la fin, la chose se présente sous la forme d’un parallélépipède plus ou moins épais (jusqu’au pavé indigeste) qui possède le caractère pratique de se ranger aisément sur une étagère. Mais ce n’est pas son unique qualité, car – Ô magie ! – si un autre que toi vient à l’ouvrir, il y retrouvera le lézard métamorphosé par tes soins (et ceux de l’illustrateur, de l’éditeur, du maquettiste, du photograveur, de l’imprimeur…) en une chimère aimable et accessible, un enchantement de personnages, d’actions et d’émotions qui vivront dans son esprit comme ils ont vécu dans le tien. De la télépathie en quelque sorte.

Un lecteur en pleine séance de télépathie avec l'auteur

 

Le boulot de l’auteur

Le germe, l’idée, l’image séminale qui préside à l’ensemble paraissent souvent prosaïques et parfois très éloignés du résultat final. Umberto Eco raconte que sa première vision du Nom de la Rose fut celle d’un moine s’humectant les doigts pour tourner les pages d’un lourd volume. Ici, point de meurtre, d’enquête policière, de Guillaume de Baskerville ou de Rose farouche s’amourachant d’un moinillon dans les cuisines de l’abbaye.

Une fois cette idée survenue, identifiée, et déterminée comme assez puissante pour justifier le long travail à suivre, les choses sérieuses commencent. Surtout, ne pas se caler devant son écran pour se lancer tête baissée dans la rédaction ! Grave erreur que commettent souvent les novices enthousiastes. Non, il faut d’abord élaborer, concocter, intriguer, imaginer des ingrédients imprévus. Un roman ne revient pas à saisir un morceau de bidoche (même s’il existe des exemples), mais le plus souvent à mitonner un ragoût qu’il est bon d’oublier sur le feu à l’occasion.

Ensuite, une fois ta tambouille au point, reste à bien la présenter dans l’assiette, donc à en rédiger une version littéraire avec des mots qui se suivent jusqu’à faire des phrases, des paragraphes, des chapitres et tutti quanti. Il est possible d’y mettre beaucoup d’art et de patience (on appelle ça faire du style), il est aussi possible d’opter pour un cornet en papier et une grosse dose de mayonnaise (on dit alors pudiquement que l’auteur s’efface devant son histoire). Quoi qu’il en soit, la partie n’est pas terminée. Enfile ton costume et fais ton entrée en salle !

Contrairement au restaurant, ici, les clients (aussi appelé éditeurs) ne commandent pas toujours leur menu à la carte. Il te faut circuler au milieu des tables, croisant de multiples confrères eux aussi en toque et tablier blanc. Chacun évolue, avec un air de décontraction qui ne trompe personne, son plateau fumant à la main en espérant qu’une table, suffisamment alléchée par le frichti, en vienne à vouloir mirer le plat de plus près. Peut-être sera-t-il au goût de ces messieurs (et dames, nombreuses dans l’édition), certainement te demanderont-ils d’ajouter un peu de sel ou de poivre, de ceci ou de cela (ou même de te séparer de cette pomme de terre – un personnage, une scène, un chapitre – que tu as cuisinée avec amour, mais jugée inutile dans l’assiette). Voilà, tu vas être publié.

 

Nous n’en sommes qu’à la moitié

Il n’est pas rare qu’une année ou plus s’écoule entre le moment où un manuscrit est accepté et le jour glorieux où ton ouvrage ira rejoindre les étalages des libraires (à peine moins que le temps qu’il mettra parfois à succomber sous les coups du pilon des invendus). Dans ce laps de temps, beaucoup de personnes vont se pencher sur le berceau de ton bébé, autant de fées dispensant leurs dons. L’éditeur d’abord, qui contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, n’est pas un sinistre personnage tout juste bon à se faire du beurre sur ton Grand Œuvre (quand il ne s’avise pas de le passer sous les bistouris esthétiques de l’air du temps pour le changer en un vulgaire roman de plage putassier). L’image est fausse. Un éditeur est avant tout ton premier lecteur, il défend la plupart du temps avec conviction ton travail (il existe des contre-exemples) et s’il demande des modifications ce n’est jamais sans raison. Il concourt à l’amélioration de la qualité de ton livre, et souvent y parvient. Ceux qui prédisent la fin de l’éditeur traditionnel grâce au développement de l’autoédition nous promettent un monde où l’immense majorité des romans seront moins aboutis, moins fouillés et donc moins bons. Au passage, je ne voudrais pas laisser croire que les maisons d’éditions font toutes office de bonnes œuvres pour écrivains en mal de publication. La rémunération est parfois l’objet d’âpres conflits dont l’auteur sort rarement vainqueur.

Vient ensuite, dans le cas particulier de la jeunesse, l’illustrateur. Collaboration le plus souvent heureuse et chaleureuse entre soutiers du livre pour enfants. Ici, la modestie est de mise, comme la passion et la persévérance. La reconnaissance et les revenus sont faibles, l’avenir parfois incertain et, quoi qu’il en soit, laborieux. Avouons que ça pousse à la camaraderie.

Puis viennent les petites mains (tout aussi indispensables que dans la haute couture) : graphiste, maquettiste, photograveur qui travaillent à la conception de l’objet, l’imprimeur qui le fabrique. Puis les autres, encore plus anonymes (en tout cas depuis l’isolement de ton bureau), le diffuseur, les commerciaux… et jusqu’au type qui va transporter ton bouquin ! Haleine parfumée au café, il fait signer son reçu avec un geste d’impatience – il n’a pas que ça à faire – après avoir déposé un tas de cartons dont il se fiche bien de savoir qu’ils contiennent quelques exemplaires de ton précieux travail. Machinerie obscure qui a pour résultat qu’un jour tu reçois un SMS de ta tante ou d’un ami d’enfance avec photo mal cadrée d’un rayonnage où trônent tes opus : « En vacances dans le Jura, devine sur quoi je tombe ! »

La chaîne se poursuit : les libraires (incontournables, il faudra en reparler), les maîtres d’école, les bibliothécaires, et jusqu’aux lecteurs ! « Tu devrais lire ça, c’est vachement bien ». En fait, si c’est beaucoup ton bouquin, c’est aussi un peu le livre de plein de gens. Et c’est très bien ainsi…

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La 3000ème dédicace !

Le week-end dernier, sans même m’en rendre compte, j’ai dédicacé mon trois-millième livre depuis 2011 et la parution de Plume-Rouge & Poilvert. C’est une fois chez moi, en faisant mes comptes, que j’ai réalisé le cap symbolique qui venait d’être franchi ! Du coup, je n’ai pas immortalisé le moment et la photo qui accompagne cet article date déjà (ce qui permet de dissimuler la flambée de cheveux blancs dont je suis victime depuis quelques mois). En dédicace, j’ai toujours un petit carnet avec moi pour noter mes ventes. Histoire de passer le temps et de savoir ce qui plaît ou non. Par exemple, je peux vous dire que John Dœuf est de loin mon hit avec 1273 signatures !

Concentré, le gars !
 

Du contenu, toujours du contenu…

Pour le contenu même de la dédicace, il faut avouer une certaine paresse en l’absence d’échanges avec la personne qui prend le livre. J’ai en réserve un certain nombre de formules types en fonction des ouvrages. Après, quand un dialogue s’engage avant la dédicace et que l’on discute un peu, il devient possible de se fendre d’un petit mot plus personnel. Surtout quand ce sont les enfants qui causent. Malheureusement, c’est rarement le cas. Les plus gros acheteurs sont les grands-parents (et les maîtres d’école) qui veulent offrir un cadeau un peu original pour un anniversaire ou un Noël. Souvent quand les gens viennent en famille, on parle plus avec les grands qu’avec le petit qui (au choix) n’a pas son mot à dire, s’ennuie, est timide, veut rentrer à la maison pour jouer à Minecraft, préfèrerait avoir un livre de Christophe Boncens (mon voisin sur la photo, regardez comme il est beau) mais papa trouve que ça fait trop bébé et qu’à huit ans, quand même, ils pourraient lire des livres sans images !

L’exercice n’a rien de fastidieux pour peu qu’il y ait un peu de passage. Attendre des heures le chaland est vite rasoir. Quand on passe le plus clair de son temps face à un traitement de texte à tourner des phrases et des intrigues, avoir un peu de contact humain est le bienvenu. Sans compter que les rencontres sont le plus souvent agréables, et parfois très drôles. À ce propos, une anecdote.

L’anecdote qui tue…

Nous étions une petite bande d’auteurs dans un salon assez peu fréquenté. Je préfère taire le lieu pour ne pas peiner les organisateurs qui s’étaient donné du mal. Et les visiteurs arrivaient au compte-goutte et, qui plus est, achetaient fort peu. Pour tout dire, c’est une des rares fois où je n’ai dédicacé aucun livre de la journée ! Aussi le moindre nouveau venu était épié par mes confrères et moi-même dans l’espoir d’une touche éventuelle. Arrive un couple, la cinquantaine, pull Armor Lux pour elle, chemisette Ralph Lauren pour lui. Un frémissement avide secoue notre petite troupe endormie par l’inaction. Madame s’arrête, feuillette, repose un ouvrage, puis un autre. Puis, change de table. Le premier d’entre nous (Jean-Luc Istin pour ne pas le nommer) accuse le coup. C’est raté pour lui. La dame poursuit son avancée, picore encore quelques titres, parcourt une quatrième de couv, ouvre un livre pour le reposer aussitôt. Le second d’entre nous retient son souffle (qu’il m’excuse, je ne me souviens plus de son nom).

Pendant ce temps, monsieur avance sans faire d’arrêts au stand. Il survole du regard les tables, sans un mot. Il arrive enfin à la mienne et marque un temps d’arrêt. Son regard s’éclaire d’une petite lumière et se pose sur la Fête du Solstice, le quatrième tome de la série Magicus Codex. Mes comparses, aguerris aux salons du livre, repèrent évidemment ce signe indubitable d’intérêt. L’homme s’approche, saisit le bouquin, jauge la couverture un instant. Puis, au désespoir de Loïc Tréhin qui se trouvait sur la troisième table où madame compulsait distraitement un de ses ouvrages, il fait signe à son épouse. Elle rejoint son mari avec une mine curieuse. Sans doute est-ce elle qui a insisté pour venir se perdre dans ce salon désert un dimanche après-midi, que peut-il bien vouloir lui montrer. L’homme tapote la couverture du livre avec un air entendu et déclare : « C’est ce bleu qu’il faudrait pour la salle de bain ». Et ils s’en sont allés. Mes compagnons d’infortune se sont bien moqués de moi et une nouvelle fois je me suis consolé en me répétant que ce genre de petites humiliations forgent le caractère.

Magicus Codex, un véritable nuancier pour votre intérieur